Ahmed Rami,
Founder of
Radio Islam,
Tel: (Sweden) +
46-708121240,
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Interview avec Ahmed Rami à l´hébdomadaire marocain
"Almichaal " du 25 janvier
et 1 février 2007
Que s´est t-il
passé
au Maroc?
Les révélations d´Ahmed Rami
sur
les révoltes militaires
marocaines
Qui
est Ahmed Rami?
- Quels étaient les buts de la
tentative du coup d´état du 16 août 1972 ? -
:
RamiCe
sont des rumeurs. Je vous assure qu´il n´ y avaient absolument
aucune désignation ni de civiles, ni de militaires pour des
fonctions. -
: Rami Ce ne sont,
non plus, que des rumeurs. Croyez-vous que les officiers libres
allaient risquer leurs vies pour donner des postes à des laquais
du régime corrompu actuel? Nous avons eu - ainsi qu´Ababou,
Amkran et Kouira - le rêve et le projet d´une véritable
révolution qui allait se jouer dans les profondeurs de la
société toute entière, et non dans les salons de quelques
prostitués du régime actuel. Imaginez vous, même Bouabid de
l´USFP courir vers le Palais de Skhirat avec une mitraillette à
la main? Non, ces gens là ne se précipitent au palais que pour
baiser la main de leur maître! - :
RamiHousni Bensliman n´est que l´un des
produits et prostitués du régime. Il sait que son destin est lié
à ce régime. Il ne sera que l´une de ses futures ruines ! - :RamiLe
régime est mieux informé que vous sur lui et sur ce qui s´est
passé. Et il sait bien qui est vraiment derrière le soulèvent du
16 août.
-
Rami: Malheureusement, le
défunt Mohamed Basri avait fait de la diffusion de telles
rumeurs son fond de commerce essentiel. Il avait rendu visite à
Amkran quand il était hospitalisé en France. De cette visites il
a fait toute une histoire de Mille et une nuit! -
Rami: Je vous ai déjà dit
que la police du régime est bien informée de ce qui s´est passé.
La police et les renseignements généraux sont les seuls secteurs
qui fonctionnent "bien" dans notre pays! -
Rami: Nous avons voulu, à
tout prix, éviter de venir avec un programme à imposer.
Après l´abolition de la monarchie, en tant système de
répression, d´humiliation et de domination, c´est dans les
esprits, les médias, l´éducation, les régions et l´économie
qu´il faut l´abolir. Il faut réinstaurer la dignité et l´honneur
bafoué du citoyen. Mais nous avons eu des priorités de bases.
Nous avons prévu que, faisant parti du régime, tous les partis
politiques corrompus actuels allaient automatiquement
s´effondrer. Et pour que d´autres forces et organisations
représentatives puissent émerger dans la liberté totale sur des
bases seines, il faut que le peuple soit bien informé et - par
le moyen des élections libres - le doter d´une constitution
moderne et démocratique en vue d´installer des règles de jeux
démocratiques. Nous, marocains, nous devons avoir honte
d´observer à quel point nous sommes politiquement arriérés par
rapport à la Mauritanie et au Sénégal dans le domaine de la
démocratie et de la dignité. Et c´est par ce que ces deux pays
n´ont pas eu un "Hassan II" !! -
Rami: C´est déjà une honte -
pour tous les marocains - qu´il y´ait besoin d´un "coup d´état"
pour un simple changement de gouvernants! En Suède, qui n´a même
pas les énormes problèmes que nous avons, et qui exigent -
pour les résoudre - une VRAI alternance, on donne au peuple -
tous les trois ans - la possibilité de changer le chef de
l´état. En fait c´est le régime de Hassan II qui est un vrai et
éternel putchiste! Et qui demande son avis au peuple s´il suit
ce putchiste de naissance?Qu´on donne donc à notre peuple la
possibilité et la liberté de choisir ses dirigeants, de les
contrôler et de les sanctionner en cas de besoin. -
Rami: Croyez vous qu´un
militaire suédois, français ou espagnole peut être aujourd´hui
tenté de faire un coup d´état ou un putche?! Il y a eu
certainement des coups d´état dans l´histoire de ces pays quand
il y a en avait eu besoin! La constitution démocratique
actuelle en Suède a été instaurée par un coup d´état dirigé par
le général Adelcrutz qui a renversé le roi et transformé la
monarchie suédoise en un musé pour les touristes étrangers!
- Qui est Ahmed Rami? Après
l´occupation de Tafraout, mon père - comme des milliers d´autres
tafraoutis - partit chercher du travail à Casablanca et
laissa ma mère et ses cinq enfants au douar. Tout petit,
j'aidais ma mère à cultiver le sol ingrat du Tafraout. Après la
"pacification"!, les occupants créèrent une école à quelques
kilomètres de mon douar. De crainte qu'on ne leur vole
(culturellement) leurs enfants, les femmes de mon village
refusaient de les envoyer à l'école. Ma mère m'expédia alors -
en secret - à Casablanca. Je devais avoir 7 ans et mon arrivée
dans la grande ville se situe entre 1948 et 1950. Je ne parlais
que le berbère. J'eus la chance de trouver une place de commis
dans une épicerie où j'étais nourri et logé. Je couchais par
terre devant le comptoir. Après la proclamation de l'indépendance, en 1956, adolescent, je devins chômeur camouflé à Casablanca faisant des petits travaux dans quelques épiceries. En 1957,
j'avais alors environ 14 ans, je retournais dans mon village et
j'entrais à l'école de Taf raout. Étudiant la nuit à la lueur
d'une bougie, j'obtenais mon certificat d'études, en arabe et en
français. Deux ans plus tard, après un séjour au collège de
Tiznit, j'étais admis à l'École Normale Supérieure. En juin 1963, j'obtenais mon diplôme de professeur de l'enseignement secondaire de l'École Normale Supérieure. Nommé professeur d'histoire et de géographie au lycée de jeunes filles Fatima Zahra de Casablanca et au lycée Mohammed V. Le 23 mars 1965, une manifestation d'étudiants déclenchait une émeute à Casablanca. La police et l´Armée tiraient sur les manifestants. On compta près de 400 morts. Le lendemain, des policiers en civil m'arrêtaient au lycée. Ils me passèrent les menottes, me bandèrent les yeux et me transportèrent en voiture dans un lieu isolé, loin du bruit de la ville. Pendant 4 jours et 4 nuits, j'ai été torturé à l'électricité. Une semaine plus tard, j'étais libéré. Par ce qu´il n´y avait pas de démocratie Je pris
alors conscience du manque d'efficacité de mon combat. 400 de
mes camarades avaient payé de leur vie leur opposition au régime
féodal. Prenant l´exemple de Nasser, je décidais de m'engager
dans l'armée et de devenir officier. A
l'Académie militaire, on m'apprit qu'il me fallait l'accord du
ministre de l'Éducation nationale pour pouvoir démissionner de
mon travail et entreprendre une carrière militaire.
L'autorisation me fut refusée et pendant un an je rongeai mon
frein dans mon lycée. A la fin de l'année scolaire, je tentai
une nouvelle fois de me faire admettre à l'école d'officiers.
Je me rendis alors au
Palais Royal où je demandai audience au directeur de la maison
militaire royale le général Madbouh. Je réussis à le convaincre
à m´aider à l´entrée à l´Académie Royale Militaire. C´est ainsi
que j´ai rencontré celui que - six ans plus tard -
participait, avec le colonel Ababou à la révolte de Skhirat où
je suis, arrivé le 10 juillet 1971 à la tête de mes 17 chars
quelques minutes après sa mort.
Puisque l´École
d´Ahermoumou n´avait qu´un millier de fantassins, nous avons eu
besoin - pour l´exécution du coup d´état - d´une troupe blindée
ou mécanisée. Ma première rencontre avec Oufkir
Le 10 juillet 1971 Ababou
et mes camarades de promotion investissaient le palais royal de
Skhirat à la tête des Cadets élèves-sous-officiers de l'école
d'Ahermoumou. Le roi et Oufkir échappaient miraculeusement à la
mort. Le général Medbouh et le colonel Ababou était tués.
Bien décidé à ne pas obéir
aux ordres et à prêter main forte aux mutins, je décidais de
filer vers le Palais - arriver plus rapidement - en passant par
la route côtière et non pas par la route principale. En prenant
cette décision malheureuse, je sauvais le roi. En cet après-midi d'été, les abords de la route côtière étaient envahis de promeneurs et de curieux qui venaient au devant de mes chars. Savaient-ils déjà qu'une tragédie se terminait au Palais Royal ?
J'accédai à la région de
Skhirat par un petit pont au bout duquel j´ai observé le
commandant Saad et le colonel Abaroudi toujours en tenue civile.
En Arrivant au Palais de Skhirat, je traversa la porte d´entrée.
Labourant la verte pelouse du terrain de golf, ma colonne de
chars parvint devant le bâtiment central du Palais. Je
m'approchais de la porte principale où un groupe d'hommes
s'agitait. Je donnais l'ordre de stopper devant eux. Parmi eux,
j'aperçus le roi en compagnie d'Oufkir et des généraux Bachir
Bouhali et Driss Ben Omar. J´ai tout de suite compris que
l´opération a échoué.
- Il a été tué par Ababou,
me répondit Oufkir qui était debout à la droite de Hassan II.
Dès qu´il a grimpé sur
mon char il m´a dit qu´il a perdu ses lunettes et il m´a demandé
une cigarette (en vain, car je n'ai jamais fumé).
Je lui avouai mon
ignorance et je l'interrogeai sur ce qui s'était passé au
Palais.
Dans la tourelle de mon
E.B.R., j'étais côte à côte avec celui que je considérait comme
l'éminence grise du Palais, l'homme que je détestais le plus au
monde après Hassan II. Mais, quelques jours plus tard, il me
demandera d'être son aide de camp et bientôt nous deviendrons
complices pour renverser le roi.
Arrivé au camp Moulay
Ismail, Oufkir me félicita pour mon sang-froid. Et après les 24
heures qu´il y passa avec moi, il me demanda avant de nous
quitter de lui téléphoner plus tard, car il désirait me revoir. Comme je l´ai décrit dans l´interview de la semaine dernière, les représailles contre les mutins ont été d'une sauvagerie inouïe. La semaine suivante, le PC de la Brigade Blindée m'avertit que j'étais attendu par Oufkir. En habit civil, le regard caché derrière des lunettes fumées qu'il ne quittait jamais, Oufkir me reçut amicalement. Il me félicita pour le sang-froid dont je fis preuve pendant la journée du 10 juillet et me questionna sur mon enfance et ma carrière militaire. Il me présenta à ses enfants et à son lionceau, appelé Skhirat. Il m'interrogea sur l'état d'esprit de mes camarades officiers, et pour gagner du temps je lui proposai de lui remettre dans trois jours un rapport détaillé sur ce sujet. Oufkir usa de tout son charme pour séduire le jeune officier sorti du rang que j'étais. « Le Maroc entre dans une période difficile, m'assura-t-il. Si le roi n'entreprend pas de profondes réformes, je crains que l'armée ne prépare d'autres révoltes. »
Malgré la mauvaise
réputation de mon hôte, je cessais progressivement de me méfier
de lui. « Nombre de généraux et de ministres sont corrompus,
m'assura-t-il. Une pourriture s'est installée autour du roi et
dans les Etats-major. » Je lui citai alors le nom d'un colonel
bien connu pour s'emparer de l'argent de l'intendance. « C'est
un voyou à citadin corrompu », ajouta Oufkir.
Quatre jours plus tard, je
pénétrai pour la seconde fois dans la résidence de mon nouvel
allié, porteur d'un rapport incendiaire de 30 pages. J'y
dénonçais la corruption des officiers, l'avancement dû au
favoritisme et au bakchich. Après l'avoir lu attentivement,
Oufkir enferma le rapport dans le coffre-fort dissimulé dans un
mur de sa chambre à coucher. Oufkir me dépeint le despotisme d'Hassan
Après le dîner, le général
me raconta quelques histoires de la cour illustrant la servilité
des ministres et le despotisme de Hassan. Mon hôte fumait
cigarette sur cigarette tout en se livrant à une violente
attaque du régime. A un récent conseil des ministres,
m'avoua-t-il, Snoussi, le ministre à la peau noire, répondit à
une remarque du roi : « Je suis votre esclave». En colère,
Hassan lui lança : Il ne suffit pas de le dire, il faut l'être :
c'est comme cela que ma dynastie a toujours considéré ses
serviteurs. » Au dessert, le second personnage du Royaume me demandait d'être son ami et pour camoufler la nature "non militaire" de notre relation, son aide de camp. J'acceptai à la condition de conserver le commandement de mon unité de blindés. Ce qui me fut accordé. A partir de ce moment, j'habitai chez le général et je devins son confident. Ministres, généraux se succédaient à la table de celui que tout le monde appelait le Général ». Le redoutable Dlimi, devenu directeur de la Sûreté, ne vint jamais chez le Général. Je les croyait pourtant amis. Oufkir avait l'habitude de me faire ses confidences importantes quand je l'accompagnais en voiture. Au mois de septembre, il était trois heures du matin, le général évoqua le complot de Skhirat : - Mille élèves sous-officiers auraient pu changer l'Histoire du Maroc et la faire avancer d'un siècle. Ils nous ont montré le chemin. Il faut nous débarrasser de la monarchie. Hassan a conservé toutes les traditions d'une dynastie qui a conduit le Maroc au désastre au début du XX siècle. En ce moment, au lieu de s'occuper des affaires du royaume, il se trouve à Fez avec ses putains. Il possède un harem de 150 femmes dont certaines ont été enlevées dans la rue par les hommes de main du Palais. Notre monarque est un drogué. Son Palais est devenu un centre de haschich. Son fils qui a 7 ans préside des réunions. Des hommes lui baisent la main, c'est pire que sous Louis XV.
Le général, qui parlait
assez mal l'arabe, s'exprimait en français, langue que ne
comprenait pas le garde du corps et chauffeur qui nous
accompagnait.
Je dormais dans une
chambre de la villa d'Oufkir à Souissi et chaque matin je
me rendais au camp Moulay Ismaïl où j'avais gardé le
commandement de mon unité de blindés. Mon puissant allié pouvait
être très bavard ou très silencieux. Il me parla longuement de
Nasser et de sa Charte nationale qu'il connaissait à fond. Il
voulait l'évacuation des bases américaines du Maroc : « la plus
grande d'entre elles est le Palais Royal », disait-il. Le mitraillage du Boeing En août, Hassan partit pour la France. Il nous fallait tenter quelque chose lors de son retour. Je proposais de faire occuper l'aéroport de Salé par des hommes sûrs et d´arrêter Hassan II à sa descente d'avion. Mais Oufkir m'assura qu'il était décidé à obliger le Boeing de Hassan par des chasseurs à réaction F 5 à atterrir à la base militaire de Kénitra. Après une rapide visite à sa famille qui passait ses vacances à Tétouan, mon complice était de retour à Rabat le 10 août 1972. Le lendemain, il rencontrait le lieutenant-colonel Amkrane et lui demandait de de se charger de faire atterrir le Boeing royal dans la base de Kénitra et d´y arrêter Hassan II. Le retour de Hassan était prévu pour le 16 août. Le soir du 15, Amkrane, qui était grièvement malade, nous avertit qu'il ne pourrait pas piloter lui-même et il nous proposa d'avertir Kouira, son homme de confiance, excellent pilote. - Tu es le chef, dit-il à Oufkir, c'est à toi de le prévenir. Rendez-vous fut pris par téléphone à Casablanca, dans un bar de l'avenue Hassan II. A 3 h 30 du matin, le général était de retour. Il me réveilla pour me dire : « Tout est prêt, nous sommes dans la main de Dieu ». Il voulut entendre une dernière fois l'enregistrement du communiquer sonore que j'avais préparé pour annoncer l´abolition de la monarchie et dont voici l'essentiel déjà publié par "Paris- Match" dans son numéro du 29/9/1973 et qui devait être diffusé sur les ondes de la radio, si la tentative avait réussi:
Cette nuit-là, il ne se coucha pas. Le matin du 16 juillet 1972, il se rendit à Témara pour un rendez-vous et revint vers 11 heures. « Trois chasseurs F 5 "accueilleront" l'avion du roi dès qu'il survolera le sol marocain pour l´escorter jusqu´à la base de Kénitra. Cette fois, il n'en réchappera pas m'assura-t-il. A 16 heures, le général téléphona au colonel Hatimi, commandant la Brigade blindée, et lui demanda de se rendre à l'aéroport. Je le quittai peu après et je rejoignis le camp Moulay Ismaïl. « Attends-moi, là-bas, je te contacterai. », me dit Oufkir.
A 17 h, Oufkir entrait
dans la cour de la caserne Moulai Ismail, à bord d'une R16.
Trente minutes plus tôt, il avait entendu à la tour de contrôle
de l´aéroport de Rabat-Salé un message transmis par la radio du
Boeing royal: « Ne tirez plus, le roi est mortellement blessé ».
L'échec de l'opération, je
l'appris plus tard, incombait au commandant Kouira qui arma les
mitrailleuses des trois chasseurs avec des balles d'entraînement
au lieu d'utiliser des balles explosives. On s'était trompé de
caisses de munition. Comble de malchance la mitrailleuse de
Kouira s'enraya. Il tenta de jeter son chasseur sur le Boeing,
mais c´est son avion qui s´est endommagé et il sauta en
parachute. Les deux autres pilotes, les lieutenants Zyad et
Boukhalif, avaient épuisé leurs munitions. Ils se posèrent à
Kenitra, armèrent leurs mitrailleuses à nouveau et filèrent sur
l'aéroport de Salé qu'ils mitraillèrent dans l´espoir d´y
trouver le roi. Le commandant Kouira avait touché le sol à
Oulad-Khalifa, près de Kenitra, où des gendarmes arrivés en
hélicoptère le capturèrent. Un suicidé troué de balles Sans nouvelles, je restais avec mes chars au camp des blindés où j'attendis une partie de la nuit. A trois heures du matin, une radio étrangère annonça qu'Oufkir était parti à la base aérienne de Kenitra. A cinq heures, France-Inter déclara « Le général Oufkir s'est suicidé ». Malgré cette effarante nouvelle, je ne désespérais pas encore, me doutant qu'en ces moments d'affolement les fausses nouvelles étaient fréquentes. Il m'avait dit que s'il lui arrivait un accident, je devrais mettre en lieu sûr es enregistrements annonçant la chute de la monarchie. Au lever du jour, je quittai le camp par la sortie de l'infirmerie et à bord de ma voiture, garée dans one rue voisine, je me suis dirigé vers a résidence du général. , mon revolver caché sous mon blouson, je m'approchai du soldat en tenue de combat qui montait la garde. - Est-ce que le général est entré ? - Quel général ? - Oufkir. - Il est mort. Entre, tu pourras le voir.
Le frère d'Oufkir Moulay
Hachem me conduisit vers le corps de mon d´Oufkir dissimulé sous
une couverture. Je la soulevai et j'examinai le cadavre troué de
balles. La poitrine, le ventre, une partie du visage étaient
emportés. Les balles avaient été tirées par derrière. Il ne
s'était donc pas suicidé. Ma fuite jusqu'à la Suède Au mois de septembre 1973, je débarque en Suède. Un des rares documents que je suis parvenu à sauver m'attendait post restante à Stockholm. Il était signé du colonel Sefrioui commandant de l'Académie Royale militaire et déclarait: « Ancien élève de l'École Normale Supérieure et professeur au lycée, Mohammed V, Ahmed Rami est titulaire du diplôme d'Études Supérieures. Il a, par son loyalisme pour sa patrie, sacrifié son poste d'orateur dans les salles de conférences pour celui de meneur d'hommes sur le terrain. Élève-officier de l´Académie Royale militaire possédant le sens de l'organisation et du sacrifice le plus absolu ; ainsi que par son sens de l'honneur et du service Ahmed Rami a fait beaucoup pour l'Académie. Franc et soucieux, honnête aimant le goût du risque, pénétré par le courage physique et moral indiscutable Ahmed Rami possède toutes les vertu qui ont toujours fait la grandeur de l'officier. » |
"Al-michaal " du 25 janvier 2007
-
Comment jugez vous les
exécutions sommaires que le Maroc a connu sous le régime de
Hassan II ?
- :RamiDans le cadre d'un pouvoir personnel absolu, autocratique, non démocratiquement élu et donc illégitime et en l'absence totale d'un État de droit, sans séparation des pouvoirs et sans indépendance de la justice, le roi était au-dessus de la Constitution et des lois. Il était tout: l'État, la Constitution et la Loi! Dans ces conditions, les exécutions, sous Hassan II , étaient surtout des assassinats criminels pour liquider physiquement des dissidents et des opposants politiques au régime. En général, qu'il s'agisse même d'un régime " démocratique " - je le précise, je suis opposé, par principe, à cette peine barbare d'élimination physique des êtres humains, qui est d'un autre âge. La peine capitale est une sentence, ou mieux un acte de vengeance bafouant les principes les plus élémentaires des droits de l'homme. L'une des premières décisions symboliques qui devaient justement être prises, si la tentative du 16 août 1972 avait réussi, était précisément l'abolition de la peine de mort. Malheureusement, notre pays, dans un cercle vicieux, est pris entre le blocage d'un régime anachronique et les temps qui changent. Et puisqu'il s'agit de gérer intelligemment une société, l'important n'est pas de savoir "qui" gouverne un pays, mais "comment" il est gouverné! La liberté, la démocratie et les droits de l'homme doivent donc être définis en tant que méthode et règles de jeu, et non en tant contenu et idéologie.
Le régime -
ayant choisi d'autres méthodes "tazmamartiennes"
d'élimination physique plus sophistiquées - la dernière
exécution "officielle" publique, sous Hassan II, remonte au
1er septembre 1993; elle a touché un produit typique du
régime, le tristement célèbre commissaire de police Mohamed
Tabit condamné pour "viols en série" dans l'exercice de sa
fonction. Telle une farce ou une mauvaise plaisanterie,
cette exécution fait plutôt penser à l'escroc déclarant
avoir " mangé le dernier cannibale "! C'est, en
vérité, le système - qui viole et qui continue de violer
tout un peuple et toute une société - qui devrait être
politiquement "exécuté" et "liquidé"! Les tortures et les
humiliations systématiques ( qu'exerce la police du régime
et ses prisons contre ses opposants et ses misérables
victimes sociaux-économiques ) ne sont-elles pas de
véritables viols en série? - Rami: Sans procès ni jugement, le 13 juillet 1971, en présence du roi Hassan II et du roi Hussein de Jordanie venu spécialement au Maroc assister à l' événement, treize officiers supérieurs marocains, dont quatre généraux, ont été fusillés,au lendemain de la tentative de révolution de Skhirat, dans les dunes d'un champ de tir près de Témara. Attachés à des poteaux, treize officiers furent fusillés de treize balles chacun par treize soldats. Le premier ministre Laraki fut le premier à cracher sur les cadavres des martyrs. Le commandant Salmi, soucieux de se faire valoir auprès du roi, trancha la main d'un des fusillés à l'aide d'un couteau et s'empara des menottes de celui-ci comme d'un trophée. Un bulldozer ensuite broya les cadavres et les ensevelit dans une fosse commune. Ce massacre criminel a été diffusé en direct par les médias officiels. Et les deux rois d'observer à la jumelle avec soulagement et satisfaction l'agonie des officiers martyrs. Or il faut souligner qu'aucun des officiers assassinés n'a participé ni à la gestation de l'idée ni à la préparation ou à la tentative de révolte militaire de Skhirat. Tout ce qu'ils ont de commun avec elle, c'est de s'être ralliés aux révolutionnaires après que ceux-ci se fussent emparés du palais de Skhirat; ce qu'eût fait à leur place la majorité des Marocains! Avant ce massacre, la vengeance qui s'était exercée sur les cadets et officiers rebelles d'Ababou ( lesquels, eux, ont effectivement attaqué le palais royal de Skhirat ) avait été d'une incroyable cruauté. Des dizaines de cadets blessés avaient été jetés vivants dans une fosse commune. Hassan II a fait amener des instruments de torture et pris part personnellement à l'interrogatoire, à la torture des détenus à la caserne Moulay-Ismaïl. Treize des seize généraux que comptait l'armée figuraient au nombre des détenus. A plusieurs reprises, le roi a frappé au visage le colonel Chelouati, alors que ce dernier était attaché sur la chaise, les yeux bandés. "Quel est le lâche qui frappe un homme ligoté?" a demandé Chelouati ? "Ôtez lui le bandeau", ordonna le tyran. Quand il le vit Chelouati lui cracha au visage. "Demain, je cracherai sur son cadavre", promit le roi.
Après le tentative
militaire du 16 août 1972, le Colonel Amkran,
commandant adjoint de l'armée de l'air marocaine, le
commandant Kouira, commandant la base aérienne de
Kénitra et neuf de leurs camarades ont été, à leur tour,
condamnés à mort, le 7 novembre 1972 et exécutés le jour de
la plus grande fête religieuse musulmane de l'Aïd al-adha,
le jeudi, 13 janvier 1973. C'est Hassan qui lui-même a
choisi les "juges" du "tribunal" qui les ont condamnés,
ainsi que la date exacte de leur exécution! Parmi ces juges
figurait le colonel Dlimi
qui était avec le roi parmi les passagers de l'avion que les
accusés avaient attaqué! - Rami: Il y a eu, juste après Skhirat, des assassinats inspirés et couverts par les plus hautes autorités. Le but était - comme aujourd'hui en Irak - de diviser pour régner en provoquant des luttes intestines de vengeance, tribales ou régionales, pour provoquer des affrontements de groupes contre groupes. J'en donne un exemple: de mon bureau , à l'État-major de la Brigade blindée au camps Moulay-Ismaël à Rabat, au matin du 11 juillet 1971, j'entends une rafale de mitraillette, non loin de ma fenêtre. Sorti immédiatement de mon bureau, je vois à cinq mètres de moi le cadavre d'un sergent-chef allongé sur le sol. Le sous-officier abattu s'appelle Ziane, originaire du Rif. En interrogeant quelques soldats sur ce qui s'est passé, j'ai appris que le sergent chef avait été abattu par un sergent de la tribu du général Gharbaoui, chef des aides de camp de Hassan II, abattu, la veille, à Skhirat par les mutins du colonel Ababou (originaire du Rif)! Sur cet assassinat et d'autres semblables, il n'y a jamais eu d'enquête, de procès ou de sanction!
Un officier " bien
informé "m'avait alors conseillé (si je ne voulais pas
avoir des ennuis avec les hautes autorités) de ne pas poser
trop de questions sur ce sujet "tabou"! - Rami: Le martyr Amkran a bien résumé les motifs qui animaient les auteurs de ces révoltes militaires, ainsi que leurs derniers mots prononcés devant les pelotons d'exécution, en déclarant devant le "tribunal" qui l'a jugé: "Je sacrifie ma vie pour la patrie. J'étais résolu à abattre l'avion, même si cela devait me coûter la vie. " J'ai bien connu les martyrs Abadou, Amkran, Kouira et les autres leaders de ces révoltes. Ils n'avaient d'autres buts que de libérer leur pays, leur société, leur peuple et leur nation islamique de la dictature et de la tyrannie intérieure, de la domination étrangère et de tous les facteurs de décadence pour instaurer la dignité du citoyen, la liberté, la démocratie et les droits de l'homme. Des droits qui sont naturels et élémentaires, mais qui nous sont encore tout purement et simplement refusés par des tyrans au service de l'occupant sioniste et du néocolonialisme.. " |
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